La diversité des fournisseurs, ça veut dire quoi ?

Il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre ce que mes collègues américains entendaient par « Supplier Diversity ». Cette idée était tellement loin de mes références, de mes expériences ou de ma culture que j’avais toutes les peines du monde à imaginer comment cela pouvait se concrétiser. Une des raisons pour lesquelles je bloquais est le fait que cette politique n’est pas managée par les équipes diversité mais par les équipes achats, et j’avais un mal fou à comprendre les demandes de nos clients qui émanaient de services différents, mais portaient toutes le mot « Diversité »

 

Je n’étais d’ailleurs pas le seul à m’y perdre, et je me souviens de l’appel plutôt dubitatif reçu de la part d’un dirigeant de filiale en Hongrie. L’un de ses plus gros clients était un énorme groupe mondial dont le siège est aux Etats Unis. L’acheteur de ce groupe avait posé la question suivante à nos équipes : « pouvez-vous me dire combien de millions de dollars vous achetez auprès d’entreprises détenues par des Afro-Américains en Hongrie ? » L’acheteur local lui-même ne savait pas trop de quoi il retournait, mais son siège lui avait demandé un reporting sur le sujet. Et quand le siège demande, tout le monde s’exécute…

C’était la parfaite illustration d’une de mes maximes bricolées maison : « la diversité est diverse… »

Si l’on pense que l’on peut faire la même chose de la même manière partout dans le monde, on s’expose à des erreurs grossières qui peuvent friser le ridicule. Dans le cas de la Hongrie, j’ai recommandé à mon interlocuteur d’expliquer à son client que le nombre d’Afro-Américains en Hongrie était plutôt faible, et qu’ils devaient être concentrés dans les bureaux de l’ambassade des Etats Unis….

Toutefois se contenter de répondre « votre question est stupide » serait une erreur, car si nous ne pouvons pas appliquer le modèle américain partout, nous pouvons et devons réfléchir à la manière dont nos entreprises peuvent jouer un rôle actif auprès de leurs fournisseurs. J’y vois d’ailleurs un excellent moyen de diffuser « la bonne parole » dans toute l’entreprise, même si c’est loin d’être gagné. Les acheteurs sont en effet de plus en plus sous pression : prix tirés vers le bas, conditions de règlement tendues, logistique raccourcie, suivi qualité renforcé, etc…  Difficile de trouver une place pour des sujets qui ne paraissent pas directement liés au business : la notion de performance reste presque systématiquement liée à des indicateurs financiers.

Malgré tout, il faut bien commencer un jour même si c’est compliqué, et même si nos lois et nos cultures ne nous emmènent pas dans les mêmes directions que nos amis américains.

En France, nous avons une disposition légale qui s’apparente à la « supplier diversity » : la loi sur le handicap qui prévoit le recours au secteur protégé. Cette disposition correspond exactement aux critères de la diversité des fournisseurs : on sélectionne prioritairement un fournisseur sur la base de l’un des critères de la diversité, dans ce cas le handicap.

 

Par contre nous ne pouvons pas en France sélectionner un fournisseur sur la base de l’origine, du genre, de l’âge ou de l’orientation sexuelle de ses dirigeants : cela serait de la discrimination, et qu’elle soit dite positive ou négative, la discrimination reste toujours de la discrimination aux yeux de la loi.

Cela ne signifie pas que l’on ne peut rien faire, mais il faut passer par une approche structurée et sélectionner des priorités. Voici deux exemples :

  •   L’Entreprenariat dans les quartiers : il y là un vrai enjeu de société, le taux de chômage étant particulièrement élevé dans les quartiers, mais le potentiel de création d’entreprises y est réel. Depuis plusieurs années l’Adive ( www.adive.fr ) travaille à promouvoir l’activité économique des quartiers prioritaires en mettant en contact des entrepreneurs dont beaucoup sont « issus de la diversité » (je hais cette expression, mais je ne trouve pas mieux pour illustrer mon propos !) avec des grandes entreprises qui ne vont pas naturellement piocher dans ces viviers.

 

  • L’Entreprenariat féminin : les femmes sont très minoritaires dans les directions d’entreprises, et il n’y a aucune raison valable pour cela. Favoriser l’entreprenariat féminin est non seulement possible, c’est une nécessité car il n’est plus besoin de démontrer que les femmes ont des niveaux de performance équivalents aux hommes : se priver d’elles dans l’entreprenariat est une hérésie. Le palmarès Women Equity le montre tous les ans ( www.women-equity.org ) et les Pionnières (www.lespionnieres.org ) accompagnent efficacement les créatrices.

 

Parallèlement nous avons vu apparaître dans les appels d’offres, en particulier dans le secteur public, des clauses sociales qui vont dans le même sens : favoriser les entreprises locales, réserver des emplois aux personnes défavorisées, développer les circuits courts.

La diversité des fournisseurs me paraît donc être une tendance lourde qui tarde à s’imposer par manque de définition et de cadre légal, mail il suffira que deux ou trois grandes entreprises structurent une vraie stratégie pour créer un mouvement.

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Commentaires: 1
  • #1

    Harold Lettinga (lundi, 06 février 2017 23:50)


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