En vieillissant, ou en progressant, il m’arrive de penser aux bêtises que j’ai faites et aux idées débiles que j’ai partagées. Je dois dire qu’il y en a beaucoup. Surtout quand je pense à mon credo :
l’inclusion, qui est l’adjuvant indispensable à la diversité.
Voici donc une histoire vraie, dont je ne suis pas particulièrement fier, mais qui est une bonne illustration de la difficulté à faire bouger les lignes lorsque l’on veut une vraie mixité.
Il y a une douzaine d’années, j’étais directeur régional dans une grande entreprise et je faisais partie du comité de direction. Si je me souviens bien, ce comité comptait 18 membres, dont 2
femmes : directrice financière et directrice communication. Tous les postes opérationnels (comme le mien) étaient occupés par des hommes, car vous comprenez ma bonne dame, ce sont des postes
compliqués…
Tous les deux mois, nous nous réunissions à l’occasion d’un comité de direction qui durait deux jours, et qui en général avait lieu dans un endroit très agréable de la région Parisienne. Nous passions de longues heures à analyser les chiffres, à parler de stratégie, de développement, de qualité, bref tout ce qui fait la vie normale d’un comité de ce genre. Deux jours, cela signifie qu’il y avait une soirée au milieu, qui pouvait être dédiée à des activités communes, à des échanges informels et conviviaux.
Et nous, pour renforcer l’esprit d’équipe, nous avions décidé faire quelque chose qui nous soude, quelque chose qui permette à tout le monde de participer, même sans expertise : nous avions décidé de jouer au foot. Quelle idée géniale et originale ! Nous avions même fait faire des maillots avec le logo de l’entreprise. Nous étions super mignons, avec nos shorts et nos maillots ajustés qui avantageaient beaucoup des physiques comme le mien…
Comme nous étions bien entendu totalement inclusifs, nous avons convié les deux femmes du comité de direction à se joindre à nous : eh bien, croyez-moi si vous voulez, elles n’ont pas voulu. Nous étions très déçus, à la limite de l’incompréhension, voire de la vexation : elles refusaient de se joindre à nous, quelle ingratitude, quel manque d’esprit d’équipe ! Même pas un petit effort pour faire l’arbitre. J’adorerais dire que c’était le sentiment des autres, mais je dois avouer que je faisais partie de la meute.
Ce n’est que lorsque j’ai commencé à travailler sur la mixité, sur l’inclusion que j’ai réalisé à quel point cette histoire illustrait bien la réalité du monde de l’entreprise : on laisse des strapontins aux femmes, et on leur reproche de ne pas jouer le jeu, de ne pas devenir des hommes. Cela me rappelle une citation d’Einstein qui disait « si vous jugez un poisson par sa capacité à grimper aux arbres, il pensera toute sa vie qu’il est stupide ».
Qu’aurait-il fallu faire pour être inclusif ? Donner vraiment la parole à chacun, décider en commun et pas seulement en écoutant la voix de l’écrasante majorité. Je suis sûr que nous, mâles majoritaires et testostéronés, aurions tout aussi bien vécu avec une autre activité d’équipe. Voire mieux, car je me souviens que certains hommes n’étaient pas vraiment ravis de jouer au foot, mais il fallait bien rentrer dans le rang….
Si nous avions voulu faire différemment, le processus de décision aurait peut-être été un peu plus long, mais il aurait permis que chacun s’exprime, fasse des propositions et que le groupe arrive à une solution qui convienne à tous.
Il aurait permis de prendre une meilleure décision.
C’est possible et cela s’appelle l’inclusion.
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Nathalie Prévost (mardi, 04 octobre 2016 10:59)
Bravo et merci Jean-Michel, cette franchise t'honore. Remarquons par ailleurs que l'équipe de France de foot féminine a de biens meilleurs résultats que celle des hommes. Et les médias s'y intéressent si peu.
Marc Tessier (mardi, 04 octobre 2016 12:58)
Belle franchise en effet. Et les cas similaires sont nombreux...
Ayant été longtemps dans l'armée de terre, j'ai souvent entendu des réflexions ridicules.
Une anecdote me revient à l'esprit :
À une femme militaire qui demandait si il y avait des douches réservées aux femmes, nombreux furent ceux qui lui répondirent " ici il n'y a pas de femmes, juste des militaires, donc pas de problèmes il y a une douche collective !"
Ils n'ont pas apprécié quand je leur ai répondu que c'était dommage qu'ils ne soient pas des hommes, mais juste des militaires...
Emmanuelle (vendredi, 25 novembre 2016 15:09)
Rien que de très banal mais c'est gentil Jean-Michel de le reconnaître ! Je me souviens d'un séminaire à Clairefontaine avec 4 blessés dans la journée ou la 1/2 journée, pas que des femmes loin de là, des seniors notamment. Le résultat avait fait trop de dégâts pour être positif en terme de team building !
Un autre manager quelques années plus tard était trop content de la photo de joueurs de rudby qui se roulaient dans la boue pour traduite le team spirit. Je ne sais pas pourquoi je ne trouvais pas cela très inclusif !!!